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Un voile flotte, agité par les vents

Presque toujours, dans les dessins actuels de Rena Tzolakis, un voile flotte, agité par les vents. C’est tantôt un rideau derrière une fenêtre ouverte, tantôt une voile sur un bateau au-dessus d’un grand filet aux mailles carrées, tantôt quelque chose de peu définissable, dont on peut seulement dire que c’est quelque chose qui bouge. Car les dessins de Rena Tzolakis sont hantés par des présences énigmatiques, par des surgissements impalpables, formés de lumière et de vent. Parfois, un tronc d’arbre s’élève, qui est aussi un ange, et une Victoire ailée, et un tournoiement. Parfois, les portes se ferment, qui interdisent toute fuite. Parfois, et plus souvent peut-être, elles s’ouvrent. Parfois, l’ombre des grands oiseaux volent à travers les chambres. Parfois, des personnages flottent dans un paysage étrange. Parfois, les feuilles d’un livre se froissent dans la lumière. Ici, un coquillage se devine à travers un voile : une spirale se laisse entrevoir. Ailleurs, une chambre devient paysage et l’on ignore si l’on se trouve à l’extérieur ou à l’intérieur du lieu. Ailleurs encore, une vague est une montagne d’eau, ou bien un mont apparaît comme une vague pétrifiée. La lumière et les souffles agitent un monde incertain.

Gilbert Lascault
texte écrit à l’occasion de l’exposition au Musée d’Art et d’Histoire à Auxerre le mois de juin de 1984

Rena Tzolakis, lithographe

Rena Tzolakis est née en Crète, à Heraklion. Elle grandit sur la terre de ses ancêtres et dans l’âme profondément crétoise de l’enfant de naguère, se forme une vision du monde que l’adolescente brûlera plus tard d’exprimer. Il faudra peindre. Elle quitte son pays pour suivre à Athènes les cours de l’École nationale supérieure des beaux-arts.

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Mille façons d’être Grec

«Les grands coloristes savent faire de la couleur avec un habit noir, une cravate blanche et un fond gris.
Charles Baudelaire : « Salon de 1846 »

Les dessins à la mine de plomb de Rena Tzolakis défilent sous mes yeux. Je ne sais pas regarder, penser, et parler en même temps. Je demeure silencieux. Rena Tzolakis protège chacun de ses dessins par une feuille de papier de soie.

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Points de vue d'une vie entière

Rena Tzolakis peintre et graveur grecque croit à l’ascèse des artistes. Ascèse signifie dévouement et discipline. Les artistes doivent se consacrer à leur Art. Tout sacrifier, tout ce qui n'a aucun rapport à l'idéal auquel ils se sont voués et de rester fidèles et cohérents à la route qu’ils ont décidé de suivre. L’ascèse, le dévouement, le sacrifice s'appuient sur des règles et des lois sévères et leurs valeurs sont chères et ne se négocient pas à la Bourse et ne sont pas déterminées par les marchands du Temple.
Rena Tzolakis s'est consacrée très tôt à l'Art que son grand père, Christoforos Anerapsis, avait étudié vers la fin du 19 e siècle, à Bucarest, la Peinture. Suivant ses traces elle a étudié à l'École supérieure des Beaux-Arts d'Athènes. Elle a eu la chance d'avoir d’éminents professeurs. Yannis Moralis à la peinture et Yannis Kefalinos à la gravure, dont elle parle avec respect. Le respect est une valeur importante et fait partie de son éthique. Elle parle avec respect des autres, mais elle inspire aussi le respect.
Etudiante encore, elle s'est trouvée à Paris et a décidé de vivre dans la ville des Arts. Dès qu'elle a terminé ses études à Athènes, elle est partie avec une bourse d'État, qu'elle a obtenue après concours, pour continuer ses études de Lithographie, à l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris aux côtés du professeur Pierre Eugène Clairin, dont elle devient, peu de temps après, l’assistante. Pendant ses études elle a illustré avec ses lithographies, les livres d'Art de deux grands poètes français, Paul Verlaine et Charles Baudelaire pour les éditions La Nouvelle Librairie de France. En 1970 elle a participé à la Biennale Internationale de Venise, invitée au Pavillon Américain. En 1975, l'Académie des Beaux-Arts de l'Institut de France l'honore avec le prix Florence Gould pour son œuvre lithographique.
Ce sont quelques références d’une importante et grande œuvre.
La Création est un combat que Rena Tzolakis mène infatigablement. Toute seule. Elle combat avec les huiles, les acryliques, les pastels, les aquarelles, les pierres, les métaux et les pinceaux. Lutte interminable que l'Art. Pas un jour où elle ne s'est pas absentée, ne s';est pas reposée, n'a pas déserté.
Avec imagination, talent et habileté elle a travaillé plusieurs techniques de l’art plastique.
Dessin à la mine de plomb, fusain, encres... Peintures à l’huile, acrylique, aquarelle, pastel, tempera, auxquelles s’ajoutent les gravures, gravure sur bois de fil et debout, gravures sur métal, zinc, cuivre, acier et lithographie. Dans son atelier parisien, elle possède trois presses, deux pour gravure sur métal et une pour lithographie, sur lesquelles, elle imprime, elle-même, ses créations qu’elle a déjà conçues et dessinées. Comme si tout çela ne lui suffisait pas, elle a ouvert une nouvelle voie. Elle a créé une technique personnelle : pastels en reliefs. Avec dextérité elle utilise la presse pour créer des dessins en relief, elle les colore et les compose différemment, ce qui les rends unique.
Rena Tzolakis ne s'est jamais abaissée aux modes, elle n'a jamais suivi de mouvements qu’ils soient passager ou éphémère. Elle continue de résister fidèle à ses Principes, fortifiée aux remparts de ses « Points de vue ». Toujours infatigable, elle ne cesse de travailler et de transmettre sa passion pour la création à tous ceux qui lui rendent visite dans son atelier si accueillant.

Georges Alexandrinos